Nota pour la disette et la famine de l’an 1709

Publié le 5 février 2012

Registre paroissial de Humbert, 1709.

Texte manuscrit transcrit ci-contre.

Registre paroissial de Humbert, 1709. Archives départementales du Pas-de-Calais, E-DEPOT 466/E 1.

L’hyver qui comença à la St André de l’année 1708
et qui finit au mois d’avril 1709 a causé touttes les
disgrâces qui sont cy après exprimées. Il a esté si rude
que de mémoire d’homes on ait jamais vû de pareil.
La gelée a esté si forte qu’elle glaçoit tout ce qui étoit
liquide jusque dans les caves et mêmes dans le fours.
Quantité d’arbres et autres plantes ont péris par la
rigeur du froid telle que pomiers, poiriers et autres
arbres frutiers come noyers, vignes, mesmes jusqu’au
houes et buys qui sont les bois les plus durs de ce pays.
Mais ce qui a le plus désolé le peuple est que la grande
quantité de neige qu’il a tombé par trois ou quatres
reprises poussé par les vents de midy decouvroit les
campagnes et remplissoit les vallées en telle abondances
qu’il estoit moralement impossibles de marcher à pied
et encore moins à cheval. Ces neiges et gelées furent
suivies d’une pluye abondantes qui dura tout le long
du mois d’avril, après lesquelles on s’est appercu
universellement dans tout le paÿes que les blez et autres
grains d’hyver étoient générallement péris, ce qui
a causé une telle chereté de grains que le blez a vallu
dans le mois de maye 1709 quarante livres le septier,
mesures de Montreüil, le soucrion a vallu trente sols le boysseaux,
la paumelle quatre livres le boisseaux, le blez sarazin ou bocquys
quatre livres quinze sols aussy le boisseaux de Montreüil, l’avoines
a vallu une pistole ou dix livres le septiers et on a esté obligé
de rassemencer touttes les terres où on avoit semé du blez l’après
aoust précédent. Il paroit à présent que les bas grains seront en
abondances, ils la promettent par les pluyes fréquentes qui arrosent
les campagnes. Voila une parties des misères qui nous accablent
et qui causent une famine très grande dans le temps que j’aye
la main à la plume pour les descrires affin de les laisser à lire
à ceux que Dieu envoyra après nous au gouvernement de cette
paroisse d’Humbert ou à ceux qui les liront affin qu’ils puisse par
la connoissance qu’ils auront par ce moyen prendre leurs mesures
en pareil accident que celuy qui nous réduit dans une misère si grande
que celle que nous ne pouvons empêcher de voir souffrir à la plus saine
partie du peuple que la providence a comis à nos soins étant hors d’état
de les secourir par la suitte. Si Dieu par un effet de sa main toutte
puissante n’arrête le cour de ces calamités par la récolte des bas grains
que nous espérons qu’elle nous donera et dont nous serons heureux
de pouvoir usé au lieu de blez dont il n’est nullement question
d’attendre de faire récolter car je donerois sans exagérer le produit
de mes dixmes qui année pour autres me fournissoit quatorze cent
de grains l’hyver pour dix gerbes cette année icy. Tout ce que dessus
n’excède en rien les bornes de la vérité, les choses étant ainsy que je
les exprime et c’est en foy de tout ce que dessus que j’aye signé
ce jourdhuy septième jour du mois de juin de l’année mil sept
cent noeuf.
[signé] François Delaporte, prêtre
curé d’Humbert

Archives départementales du Pas-de-Calais, E-DEPOT 466/E 1.