La bataille de la Tête de Sanglier : prélude à la bataille de la Somme

La conférence de Chantilly du 6 au 8 décembre 1915 s’inscrit dans une série de rencontres destinées à donner une cohérence aux opérations alliées. Mais c’est seulement le 14 février 1916 que l’entente se réalise définitivement entre les généraux Haig et Joffre sur le principe d’une attaque conjointe sur la Somme qui aurait lieu vers la fin de juin, ou dès le mois d’avril si la Russie était menacée par une offensive puissante.

Contexte de l’attaque

Malgré l’accumulation des échecs de l’année précédente, les Alliés se sentent alors en position de force, grâce à la progression fulgurante de la production d’armements et à l’accroissement considérable des effectifs engagés, par la mise en ligne de nouvelles divisions françaises et, surtout, l’afflux de la "nouvelle armée" britannique créée par Lord Kitchener. Mais l’attaque allemande sur Verdun vient fortement perturber leurs plans : l’engagement français sur la Somme sera réduit, tandis que l’effort principal sera fourni par les Britanniques. Paradoxalement, l’offensive de la Somme apparaît comme d’autant plus nécessaire qu’elle doit contribuer à sauver la région de Verdun, en obligeant l’ennemi à dégarnir son front.

En prélude à la bataille de la Somme prévue le 1er juillet 1916, l’état-major britannique prépare une succession d’opérations de diversion sur le front Nord, afin de dissimuler l’emplacement exact de l’attaque majeure, de semer la confusion dans l’armée allemande et d’empêcher l’envoi de renforts. L’une d’entre elles doit avoir lieu sur le territoire de la commune de Richebourg-l'Avoué, entre Béthune et Armentières.

Photographie noir et blanc montrant un groupe de militaires posant sur deux rangs devant un photographe.

Groupe d'officiers britanniques, s.l., s.d. Collection particulière. Archives départementales du Pas-de-Calais, 5 Num 01 114/75.

Cette bataille, appelée Boar’s Head (tête de sanglier), doit son nom au fait que les lignes de tranchées présentaient un saillant aux formes de l’animal.
L’armée britannique engage les 11th, 12th et 13th bataillons du Royal Sussex Regiment, plus connus sous le nom de 1st, 2nd et 3rd Southdowns Battalions, dont les hommes sont tous originaires de Bexhill, Eastbourne et Hastings, situés dans le Sussex, au sud de l’Angleterre. Ces trois bataillons forment, en juin 1916, la 116ième brigade de la 39ième division.
Ils sont arrivés en France le 5 mars précédent et se sont établis dans les tranchées près de Fleurbaix le 20. Le 16 juin, la 116ième brigade arrive sur la ligne de front près de la Ferme du Bois à côté de Richebourg ; elle la tiendra jusqu’au 23 juin. En ce jour, elle reçoit des instructions la chargeant de mener l’offensive : deux bataillons seront engagés, avec un troisième en réserve. Mais les officiers et les hommes ne connaissent guère le combat sur le front occidental et ils seront confrontés à un ennemi bien organisé et déterminé.

Les préparatifs

Les troupes se préparent ainsi à l’assaut, tandis que l’artillerie quadrille le secteur par un bombardement intensif et régulier. Ce bombardement préparatoire avertit les Allemands de l’attaque à venir.

Celle-ci a lieu au petit matin du 30 juin 1916. Le saillant avait été formé au cours de la bataille de la crête d’Aubers, en mai 1915, et permettait aux Allemands de contrôler l’espace de part et d’autre. L’endroit n’a rien de stratégique mais cette tête de pont allemande empêche toute incursion britannique. Les tranchées sont profondes avec un parapet solide, des abris sont dissimulés tout le long des tranchées de communication et les troupes allemandes ont organisé un vaste réseau de boyaux vers l’intérieur des terres, permettant une arrivée rapide des renforts. L’ensemble de ce secteur est fortement sécurisé par de nombreux postes de mitrailleuses installées en tir croisé.

Photographie noir et blanc montrant une tranchée consolidée par des structures en bois.

Franzosen weg [Tranchée française], Neuve-Chapelle, 1916. Collection particulière. Archives départementales du Pas-de-Calais, 5 Num 01 81/60.

L’honneur de diriger l’attaque revient aux 12th et 13th Battalion, le 11th Battalion étant laissé en réserve. Un peu avant l’heure de l’offensive, les hommes des 12th et 13th Battalions installés dans les premières lignes d’assaut observent dans leur périscope un mouvement constant dans les rangs ennemis situés à moins de 100 mètres de distance : les Allemands les attendent de pied ferme et ont même installé des pancartes sur le long de la ligne de front demandant :

When are you coming Tommy ?
,
Tommy, quand vas-tu venir ?
.

L’attaque

À 2 heures 50 ce 30 juin, le bombardement préliminaire des positions allemandes commence et les soldats quittent leurs positions à 3 heures 05.

Sur la gauche, le 12th Battalion avance à la demi-lumière du jour et à travers l’écran de fumée, censé l’aider à rester à couvert mais qui tend à ajouter à la confusion plutôt qu’à la soulager. Il se retrouve aussitôt sous les feux nourris des mitrailleuses. Des hommes tombent par dizaines sous les rafales. Certains d’entre eux réussissent toutefois à se frayer un chemin à travers le fil de fer allemand, à occuper les tranchées de première ligne et à pousser sur les tranchées de soutien.
Leur objectif est d’attendre la jonction sur le flanc droit avec le 13th Battalion, mais celui-ci a déjà échoué. Ils tiennent cette position pendant environ quatre heures, avant d’être contraints de retourner dans leurs propres lignes sous les contre-attaques.

Photographie couleur montrant une cimetière militaire.

Cimetière militaire de Richebourg-l'Avoué.

L’assaut a entraîné la mort de 15 officiers et de 364 soldats, ainsi que 21 officiers et 728 hommes blessés. Parmi les tués, 243 étaient natifs du Sussex ; ils sont inhumés dans l’actuel Richebourg-Saint-Vaast Post Military Cemetery. Les 750 blessés transitent par le poste de secours avancé proche du cimetière. Certains d’entre eux sont emmenés vers les hôpitaux de l’arrière, notamment à Merville. Pour les vétérans britanniques du Sussex, qui ont survécu à cette sanglante attaque, le 30 juin 1916 représente un jour de deuil pour les Southdowners. Les pertes du côté ennemi ont été également considérables.

Au lendemain de la guerre, Richebourg-l'Avoué est complètement ruinée, anéantie par les impacts d'artillerie. Worthing, située dans le Sussex, adopte la commune, en souvenir de la bataille de la Tête de Sanglier.
Cent ans après, cet événement est commémoré à travers un ensemble de manifestations organisées du 25 juin au juillet 2016 (retrouvez toutes les informations à l'office de tourisme de la région Béthune-Bruay). 

Note

En octobre 1914, Richebourg-Saint-Vaast et Richebourg-l’Avoué étaient encore deux villages. La fusion des deux communes a été réalisée le 21 février 1971.

Carte manuscrite représentant une partie du Pas-de-Calais et de la Somme. Sont symbolisées les lignes de front au 1er janvier 1916 et au 31 mars 1917, ainsi que la zone relative à la bataille de la Somme (juillet à octobre 1916).

Carte illustrant la zone touchée par la bataille de la Somme, ainsi que les lignes de front au 1er janvier 1916 et au 31 mars 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHD 718.

Sources

  • Confrontations 14-18. La Grande Guerre en Flandre française, Éditions "l’Alloeu Terre de Batailles, 1914 – 1918", Laventie, 2015. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 7611 ;
  • LE MANER Y., La Grande Guerre dans le Nord et le Pas-de-Calais. 1914-1918, Lille, 2014. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHD 1190.
  • MIQUEL P., Les Oubliés de la Somme, 1er juillet-19 novembre 1916, Éditions Tallandier, 2013, Paris.

Pour aller plus loin

Programme du centenaire de la bataille de la Tête de sanglier

Photographie couleur montrant une tombe militaire décorée d'une couronne de coquelicots.

Cimetière militaire de Richebourg l'Avoué.