Le 11 novembre 1918 : l'armistice !

LA REVANCHE !

Carte postale noir et blanc montrant une foule en liesse devant un grand bâtiment.

Détail d'une carte postale intitulée "Arras. - Le quartier Schram (un jour de fête nationale)". Archives départementales du Pas-de-Calais, 5 Fi 041/75.

Après 51 mois de guerre et 4 mois d’offensive
L'Allemagne, vaincue,
a signé, le 11 l'armistice qui la désarme.
Guillaume II abdique et s’enfuit de son empire en révolution.

Le 11 novembre 1918 à 5 heures 10, l'armistice est signé dans le wagon de commandement du maréchal Ferdinand Foch, qui se trouve alors dans la clairière de Rethondes en forêt de Compiègne.

Au début du mois de novembre, la situation se dégrade considérablement pour l'Allemagne. Ses alliés s'effondrent les uns après les autres (la Bulgarie signe l'armistice le 30 octobre, l'Empire ottoman le 31, les Autrichiens le 3 novembre). Une révolution est sur le point d'éclater en Allemagne, et des troubles éclatent dans l'armée. Un peu partout dans le pays, des comités de marins, de soldats, d'ouvriers prennent le contrôle de nombreuses villes, la population manifeste. Comprenant qu'il ne peut plus compter sur le soutien de l'armée, l'empereur Guillaume II abdique et s'enfuit aux Pays-Bas dans la nuit du 9 au 10 novembre 1918. La République est en conséquence proclamée.

La signature de la convention d'armistice a lieu au petit matin le 11, pour prendre effet le jour même à 11 heures. L'information devait être tenue secrète jusqu'à 11 heures, mais le bruit court déjà les rues. Depuis que les plénipotentiaires allemands ont franchi la ligne du front, l'opinion est surexcitée. Aux États-Unis, des dépêches erronées ont déjà annoncé l'armistice à deux reprises, les 7 et 9 novembre, provoquant à chaque fois une manifestation festive.

Enfin, le 11 novembre à 11 heures, les cloches des églises se mettent à sonner à toute volée, les sirènes des usines et des pompiers résonnent également. L'enthousiasme est indescriptible à l'arrière : tout un pays descend dans la rue pour manifester sa joie et son soulagement après quatre années d'horreur.

C’est le cas aussi dans les villes et villages du Pas-de-Calais. Notamment à Boulogne-sur-Mer, où des explosions de joie retentissent, des milliers de personnes encombrent les rues et les soldats font l'objet d'une ovation enthousiaste. Des cortèges d'enfants et de poilus en permission, de Britanniques parcourent les rues avec le drapeau, chantent la Marseillaise et l'hymne national britannique.

En revanche, sur le front proprement dit, l'interruption des combats en ce 11 novembre se traduit par un silence brutal, quelque peu irréel, ponctué de cris et de chants, mais également par la stupeur et l'étonnement. Trop d'homme sont morts pour que les survivants se réjouissent bruyamment. Le recueillement domine.

Le 11 novembre est devenu un jour férié en France (jour du Souvenir) depuis la loi du 24 octobre 1922. Une cérémonie est dès lors organisée dans chaque commune.

Arras est la première ville de France qui ait appris et fêté l’armistice et la victoire.

Manifestations émouvantes

Vers huit heures et demie, en effet, le service de l'Intelligence interceptait un radiogramme allemand de Spa annonçant que le courrier des plénipotentiaires franchirait les lignes dans la nuit, portant la réponse attendue.
Aussitôt, les états-majors en furent avisés et l'ordre fut donné de sonner les cloches.

À huit heures cinquante, celle de Beaurains, suspendue rue Gambetta, devant la chapelle des Ursulines et destinée à l'alarme, commençait à sonner le tocsin, seule sonnerie compatible avec le mode de suspension.
Bientôt, la cloche d'Agny lui répondait du quartier Schramm ; puis d'autres, de la rue Baudimont et de la place Sainte-Croix ; dans le lointain, on percevait nettement celle de Dainville, qui n'a pas quitté son clocher.

La surprise ne dura que quelques minutes.
Déjà les cris de joie éveillaient la ville à peine endormie : on se pressait vers les états-majors les plus proches :

"Guerre Finished !... Armistice !... Allemagne vaincue !..." répondaient les soldats.
Et les officiers sortaient sur le seuil pour confirmer la nouvelle et serrer des mains joyeuses.

Peu à peu les rues s'animent : tous les cantonnements se vident dans la rue ; les groupes naissent d'eux-mêmes ; les voix s'interpellent ; dans l'enthousiasme général des cortèges se forment.
Rue Saint-Aubert, M. Duflos Grassin a illuminé son premier étage avec des lampions et des verres multicolores.
En un clin d'œil, une pyramide se forme devant la maison et les lampions décrochés serviront à la retraite aux flambeaux qui commence, égayée par les feux de Bengale.

Dans toute la ville, sonnent cloches, clochettes et carillons ; clairon, cymbales et crécelles y ajoutent leur harmonie et de toutes les rues montent les chants de victoire.

Les territoriaux français eux aussi sont sortis de leur cantonnement et la "Marseillaise" alterne avec le "God save the King".

Aux quatre coins du ciel, les fusées éclairantes inondent les toits de leur lueur blafarde ; la fusillade crépite.

"La victoire ! la victoire !" ce mot vole de bouche en bouche.

En gare d'Arras, stationne un train de prisonniers allemands qui contemplent, stupides, l'inoubliable spectacle.

Et voici que le centre de la ville rougeoie.
Des centaines de soldats britanniques se sont groupés sur la Petite Place, autour de leurs officiers ; et bientôt, des tables, des chaises, des tonneaux, de multiples débris de bois, arrachés aux ruines voisines, flambent en un colossal feu de joie.

Le coup d'œil est féerique.
Nos gracieux pignons dentelés, nos ruines tragiques, notre vieux beffroi écroulé, tout cela illuminé de face, se profile sur le ciel noir comme un merveilleux décor de théâtre ; ce soir, le feu prend sa revanche du feu et les échos de la joie résonnent étrangement dans la tristesse de la ruine la plus prestigieuse, la plus atrocement magnifique qu'ait laissée la plus terrible des guerres.

Alors commence l' "apothéose" des Français ; tous, civils, soldats, interprètes sont invités à se grouper devant le feu de joie ; alors un vaste cercle se forme autour d'eux parmi les refrains guerriers.
C'est fini ; quelques chants encore, des cris de "Vive la France !" et, vers onze heures, l'officier qui dirige le Meeting entonne le "God save the King" repris aussitôt en chœur…

Les manifestants se dispersent après un dernier "Hurrah !" ; mais, vers onze heures et demi, le canon commence à tonner, tandis que les sonneries de cloches reprennent ; à deux heures du matin, maints cortèges joyeux parcourent encore la ville.

Le Lion d’Arras, dimanche 17 novembre 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PF 92/2.

La victoire!

C'est fait ! nos efforts bénis de Dieu, les armes de nos admirables soldats, le génie de nos chefs ont forcé la victoire !
La nation de proie s'effondre avec fracas, son kaiser abdique et s'enfuit ; ils s'enfuient aussi, ces misérables roitelets que nos deuils semblaient avoir attelés pour jamais au char de la Prusse barbare !
L'Alsace et la Lorraine sont déjà rattachées à la Mère-Patrie !

Depuis près d'un demi-siècle pesait sur l'âme française le souvenir des jours terribles au cours desquels avait paru sombrer la fortune du Pays.
La plaie est guérie ; la honte effacée ; le traité de Francfort n'est déjà plus qu'un souvenir lointain, ombre fugitive sur l'horizon de gloire.
Une immense joie enfle nos cœurs, tandis que nos yeux pleurent encore les disparus.

Gloire à eux ! Gloire à nos Morts dont le sang a sauvé la Patrie !
Qu'il fait bon être Français !

J. Darras

Le Lion d’Arras, dimanche 17 novembre 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PF 92/2.

  • Le 10 novembre 2018 à 00h