La sous-série 5 E : les actes des commissaires-priseurs

Photographie noir et blanc montrant une exposition de tableaux et de bustes.

[Le foyer du théâtre municipal de Calais aménagé en exposition des beaux-arts pendant la Première Guerre mondiale]. Photographie. Archives départementales du Pas-de-Calais, 43 Fi 411.

Le 12 décembre 2000, les archives départementales du Pas-de-Calais ont accueilli un fonds d’archives de commissaires-priseurs, provenant de l’office d’Aire-sur-la-Lys. Il est constitué de répertoires et de minutes de procès-verbaux de ventes publiques, entre 1817 et 1950. Bien qu’il s’agisse d’actes soumis aux règles régissant les archives publiques, c’est le musée de l’Hospice Comtesse à Lille qui, par le jeu de transmissions parfois inexplicables, en était le détenteur et qui les a remis aux archives départementales.

Ce versement est à l’origine de la création d’une sous-série, jusqu’alors inexistante pour le Pas-de-Calais : la sous-série 5 E.

Les documents sont à présent classés, répertoriés et consultables dans la salle de lecture du centre Mahaut-d’Artois, sous les cotes 5 E 1/1 à 5 E 1/29. Seul l’article 5 E 1/29 n’est aujourd’hui communicable que par extrait, car la consultation de cette typologie de documents est soumise à des délais de communicabilité fixés à 75 ans à compter de la date de l’acte (article L. 213-2 du code du patrimoine).

Historique

La profession de commissaire-priseur remonte à l’Antiquité, sous la dénomination d’auctionator, à la fois banquier et responsable des ventes publiques. Dans le royaume de France, apparaissent dès 1254 des "sergents à cheval" (et des "sergents à verge" à Paris), nommés par saint Louis pour s’occuper des ventes judiciaires.

Par un édit de février 1556, Henri II réserve les ventes publiques aux huissiers-priseurs et vendeurs de meubles, nouvellement créés dans chaque juridiction royale. Toutefois, à cause de la finance exigée par le roi, ces charges trouvent peu d’acquéreurs. Un édit de 1576 les réunit en conséquence aux sergents royaux ordinaires. Enfin, Louis XIV, dans son édit de 1696, sépare une fois de plus les offices. Il généralise et universalise la fonction de juré priseur vendeur de meubles et lui octroie le droit exclusif de faire la prisée, l’exposition et la vente de tous biens meubles. Ces offices se multiplient dans toutes les villes et bourgs du royaume, pour les ventes volontaires ou par autorité de justice. L’institution devient rapidement la hantise du peuple, impopularité accentuée par le montant élevé des frais et des vacations.

Il a fallu presque un siècle pour que la suppression de ces offices intervienne, par lettres patentes du 26 juillet 1790 pour la province, et par le décret du 17 septembre 1793 à Paris. Les notaires, greffiers et huissiers prennent alors le relais mais, en raison des nombreux abus survenus lors des ventes de biens meubles, la loi du 27 ventôse an IX (18 mars 1801) rétablit quatre-vingt commissaires-priseurs vendeurs de meubles à Paris. Ce n’est qu’en 1816 que cette institution s’étend aux départements : en exécution de la loi du 28 avril, une ordonnance royale du 26 juin suivant établit des commissaires-priseurs dans les villes chefs-lieux d’arrondissement, ou qui sont le siège d’un tribunal de première instance, et dans celles qui, n’ayant ni sous-préfecture ni tribunal, renferment une population d’au moins 5 000 habitants.

C’est ainsi que l’Annuaire du Pas-de-Calais, année 1820, cite l’existence de dix commissaires-priseurs dans le département, notamment Maître Dhallin à Aire-sur-la-Lys dont nous avons recueilli les minutes.

Fonction

Les commissaires-priseurs sont des officiers ministériels comme les notaires, les huissiers ou les avoués. Ils sont, par conséquent, choisis sous l’autorité du ministre de la Justice, pour dresser et recevoir des actes authentiques et sont titulaires d’un office. Ils sont spécialement chargés de procéder à l’estimation et à la vente publique aux enchères des meubles et effets mobiliers corporels. Personnellement responsables du prix des adjudications des objets saisis, ils ne peuvent recevoir des adjudicataires aucune somme supérieure à l’enchère sous peine de concussion.

Fonds

Affiche sur laquelle on lit "Liquidation des stocks de guerre de l'armée britannique par ordre du disposals board. Commune d'Aire-sur-la-Lys, au camp de la Lacque, vente aux enchères publiques, sur place et par lots, par le ministère de Maître Douvrin, commissaire-priseur à Aire-sur-la-Lys, en présence de Maître Lefebvre, notaire à Saint-Omer. Le jeudi 3 février 1921 à 9 heures et demi du matin. Des baraquements de toutes sortes, comprenant notamment : grande salle de bains divisée en plusieurs compartiments. Baraquements en bois ; plusieurs compartiments avec plancher et double parois en bois. Baraquements en tôle ondulée avec plancher en bois. Beaucoup de petits baraquements en tôle ondulée, etc.".

Affiche de vente aux enchères de stocks de guerre de l’armée britannique, au camp de La Lacque à Aire-sur-la-Lys, par Me Douvrin, commissaire-priseur. Archives départementales du Pas-de-Calais, 5 E 1/29.

Le fonds est constitué des répertoires et minutes de procès-verbaux de ventes publiques des commissaires-priseurs successifs d’Aire-sur-la-Lys, dont le ressort s’étend à tout le canton, de 1817 à 1950. Les documents sont classés par ordre chronologique et concernent principalement les ventes mobilières. On y trouve des ventes de matériel agricole, de chevaux, d’arbres, etc. À partir de 1912, l’ensemble est constitué de dossiers plus complets comprenant des affiches et coupures de presse relatives à la publication, de la correspondance, ainsi que des pièces comptables.

Le 10 mars 1817 marque le début de l’activité des commissaires-priseurs d’Aire-sur-la-Lys, avec la vente aux enchères du mobilier appartenant à François Delvard, domicilié à Rincq, par Antoine-Xavier-Joseph Herbette, commissaire-priseur. En 1921, on remarque deux ventes aux enchères moins courantes, concernant la liquidation des stocks de guerre de l’armée britannique, par ordre du Disposals Board. On y propose du matériel divers (voie ferrée et voies de transport, matériel de bateaux, produits chimiques et baraquements) au camp du Neufpré à Aire-sur-la-Lys (20 janvier 1921), mais aussi la vente de baraquements du camp de La Lacque (3 février 1921).

Intérêt

Les procès-verbaux des commissaires-priseurs constituent une source utile pour l’histoire socio-économique. Ils permettent d’évaluer la fortune des individus et d’analyser la nature des biens des différentes classes sociales. C’est ainsi que peuvent être déterminés les patrimoines et révélées les tarifications de l’époque ainsi que leur évolution.

L’analyse des actes aide à cerner le mode de vie des individus de toutes classes. Ils présentent notamment un intérêt pour l'histoire de l'art ou du moins pour celui du marché de l'art.

Il convient toutefois d’émettre une certaine réserve sur la formulation des procès-verbaux. Il se peut, en effet, que les noms des acheteurs soient déformés ou que les achats soient réalisés par des prête-noms pour le compte de tiers.