Le 16 mai 1915 : fête de Jeanne d’Arc à Aire-sur-la-Lys

Photographie noir et blanc montrant une procession encadrant une statue de sainte dans une église.

"Béatification de Jeanne d'Arc. Fëte du 2 mai 1909 à la cathédrale d'Arras". Reproduction d'une carte postale. Archives départementales du Pas-de-Calais,1 PH 482

La guerre fait désormais partie du quotidien de tous et les jours heureux semblent désormais lointains. Dans ce contexte particulier, les célébrations qui rythment habituellement l’année sont empreintes d’une gravité toute digne.

C’est notamment le cas ce 16 mai 1915 où la France célèbre Jeanne d’Arc, symbole d‘autant plus grand que

son culte est né avec la patrie envahie. Elle est l’incarnation de la résistance contre l’étranger
disait Maurice Barrès en déposant, en décembre 1914, un projet de loi pour l’institution officielle d’une fête nationale. Cette loi sera votée le 10 juillet 1920, deux mois après sa canonisation par Benoît XV.

Autre symbole rapporté dans l’article suivant (et clin d’œil amusant), la présence d’Anglais lors de cette commémoration : face au nouvel ennemi, les vieilles querelles sont oubliées afin que tous fassent bloc vers la victoire commune.

AIRE-SUR-LA-LYS – La Fête de Jeanne d’Arc

La fête de la bienheureuse Jeanne d’Arc a été célébrée dimanche par toute la France.

À Aire, elle a revêtu une particulière solennité, à l’église St-Pierre, dit l’Écho de la Lys.

Pour la circonstance, la statue de Jeanne d’Arc avait reçu une parure spéciale, ainsi que celle de St-Michel qui lui fait pendant du côté du jubé.

Toutes deux, entourées de fleurs, de bouquets et surmontées d’un joli dôme, étaient resplendissantes de beauté.

Le chœur et les piliers de la grande nef étaient ornés d’oriflammes, de drapeaux et de panoplies.

L’entrée principale et le jubé portaient des inscriptions de circonstance : Gloire aux Alliés, Aux Martyrs de la Patrie !

Contrairement à la coutume, en ville, aucun drapeau ni bannière n’avaient été arborés, les Airois, avec cet admirable tact qui leur est propre, avaient compris, et sans un mot d’ordre, qu’ils ne doivent pavoiser que le jour où l’envahisseur aura dû abandonner notre territoire.

Par contre, à l’église chacun s’était porter pour honorer et prier la grande Française, celle qui en temps semblables, avait sauvé le pays.

Le vaste édifice était littéralement bondé. Les chaises faisaient même défaut.

Nos Alliés, les Anglais, avaient tenu à rehausser la cérémonie par leur présence, et une nombreuse délégation, composée de plusieurs généraux, d’officiers et de soldats, occupait une place réservée. En face d’eux se trouvait la délégation de l’armée française.

La cérémonie, rehaussée par les chants des élèves de l’Institution Ste-Marie, fut magnifique, et la cantate finale : A l’Etendard ! fit impression.

Le panégyrique de la Bienheureuse fut donné éloquemment par M. le chanoine Barbier, doyen de la paroisse.

Ce fut une belle page d’histoire que l’orateur développa sous l’attention de son nombreux auditoire, et il termina son magnifique panégyrique en montrant que c’est la main de Dieu qui arma le bras de Jeanne et qui la soutint, à travers les périls et son martyre.

Chacun emporta de la cérémonie un souvenir réconfortant.

La sortie de la messe s’effectua aux accents de l’hymne national anglais, joué sur le grand orgue.

L’indépendant du Pas-de-Calais, lundi 24 mai 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG229/30.

Au pensionnat Jeanne d'Arc de Berck-Plage, les élèves confirmées du 18 octobre 1915 entonnent la cantate suivante, où espérance et prière se mêlent au sentiment patriotique :

Cantate à Jeanne d'Arc

Carte postale couleur montrant un soldat guidé par une femme en armure portant un étendard.

Vision de Jeanne d'Arc. Archives départementales du Pas-de-Calais, 5 Num 01 065/07.

Quand ton pays, si fier naguère,
Roulait dans l’abîme, éperdu,
Dieu prit pitié de sa misère,
Tout, par toi, fut sauvé, bergère,
Alors que tout semblait perdu.

REFRAIN

C’est ton grand cri d’espérance
Qui toujours nous sauvera
De par Dieu : Vive la France !
Jhésus ! Maria !

Vois aujourd’hui, dans sa détresse,
À tes pieds la France aux abois :
Un ennemi puissant l’opresse ;
Que ton bras contre lui se dresse ;
Triomphe encor comme autrefois !

Dis le secret de la vaillance
À nos héroïques soldats ;
Hausse leurs cœurs dans la souffrance,
Arme-les d’amour, d’espérance,
Rends-les vainqueurs dans les combats.

Les élus gardent la mémoire
Des lieux témoins de leur douleur :

O Jeanne, daigne, dans la gloire,
Obtenir qu’après la victoire,
Revive Arras, par son Pasteur.

Mgr Émile Lobbedey (sous la dir.), La guerre en Artois : Paroles épiscopales, documents, récits, 1917, p. 393. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHA 1877.

  • Le 15 mai 2015 à 00h