Une guerre sans clichés

Galerie photos

À l’occasion des commémorations de la Première Guerre mondiale, le Département du Pas-de-Calais vous propose de (re)découvrir l’histoire de la Grande Guerre dans le Pas-de-Calais à travers une sélection de trente-deux photographies exceptionnelles, provenant de fonds locaux, publics (archives départementales du Pas-de-Calais), mais aussi privés, grâce aux opérations de collecte de mémoire, ou encore conservées dans les grandes collections nationales (Bibliothèque de documentation internationale contemporaine, Imperial War Museum et Bundesarchiv).

Loin des clichés habituels de la guerre, les images sélectionnées ici retracent des instants de vie particuliers, saisis par des amateurs ou des professionnels, de ceux et celles qui ont vu leur destin basculer au cours de ces quatre années passées au front, à l'arrière ou en zone occupée. 
Au-delà des illustrations longtemps exposées dans les livres d’histoire, elles montrent la face humaine d’une guerre meurtrière où les moments collectifs ou intimes priment parfois sur la barbarie des combats.

Cette exposition photographique bilingue (français et anglais) est présentée sur seize totems conçus pour être exposés dans des lieux publics facilement accessibles et en extérieur : parcs, jardins publics, places, front de mer, etc.

Prêt gratuit. Le transport et le montage seront assurés par les services du Département selon les modalités définies entre les parties.

Contact : Lydia Huguet (huguet.lydia@pasdecalais.fr et 03.21.21.61.93)

Dossier pédagogique de l'exposition

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Cavaliers près de Calais, [1914-1918]. Carte postale, tirage au gélatinobromure d’argent, 9 x 14 cm. Archives départementales du Pas-de-Calais, 43 Fi 422.

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Des cavaliers, au galop, se découpent à contre-jour. Sans doute à l’exercice, ils rappellent la noblesse et le prestige de leur corps. Les combats semblent lointains et, surtout, être sans rapport avec la guerre de tranchées, statique et dévoreuse d’hommes, ni même avec la guerre moderne, que l’on s’attend à côtoyer lorsque l’on pense à 1914.

Pourtant, près de onze millions d’équidés y ont pris part, dont 2,5 venant d’Allemagne, 1,88 de France et 1,2 du Royaume-Uni – soit, respectivement, un cheval sur trois, sur deux et sur cinq par comparaison avec les effectifs civils. Au cours de l’été 1914, la cavalerie légère, responsable de la reconnaissance et de la surveillance des mouvements ennemis, ne cesse de parcourir le terrain, jusqu’à l’épuisement ; les charges de cuirassiers se font plus rares, car l’armée allemande préfère briser leur élan par des barbelés et le tir des mitrailleuses… La stabilisation du front en réduit toutefois l’importance, jusqu’à entraîner la dissolution d’une partie des régiments de cavalerie, qui ne reprennent un certain rôle qu’à partir de mars-avril 1918.

Mais les chevaux sont appelés à bien d’autres usages, montures des officiers, y compris pour d’autres armes, mais aussi animaux de trait, indispensables tant à l’artillerie (178 chevaux sont nécessaires pour une batterie française de quatre canons de 75) qu’au train ou au génie (fourgons de munitions, cuisines roulantes, courrier, ambulances…). Compagnons de souffrance des soldats, ils forment l’espèce qui a payé le plus lourd tribut à la Grande Guerre.

Soldat allemand de dos, sur la Scarpe, photographiant un système de camouflage. Athies, [1914-1918]. Carte postale, tirage au gélatinobromure d’argent, 8 x 10,5 cm. Archives départementales du Pas-de-Calais, 48 Fi 7.

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Un soldat allemand, debout sur un petit pont de bois, photographie des toiles peintes, disposées en écran discontinu, accrochées à une architecture de piquets, d’un bord à l’autre de la Scarpe. La prise de vue est peut-être due à Franz Xaver Ertl, ce photographe de Göggingen près d’Augsbourg, dont le timbre barre une seconde carte postale représentant le site.

Camoufler les voies de circulation permet de maintenir l’ennemi dans l’ignorance des déplacements de troupes. De fait, la fin de la guerre de mouvement et la systématisation de l’observation aérienne ont rendu nécessaire le développement de techniques de leurre et de trompe-l’œil. L’invention en est attribuée au décorateur nancéen Louis Guingot (1864-1948, créateur d’un prototype de veste de camouflage) et, plus encore, au peintre académique Lucien-Victor Guirand de Scevola (1871-1950), qui s’est inspiré des recherches picturales menées par les impressionnistes et les cubistes.

Ce dernier prend la direction de la section de camouflage, rattachée au Grand Quartier général à partir du 14 août 1915. Le personnel, en particulier des artistes peintres ou sculpteurs et des décorateurs de théâtre, est réparti entre un atelier central aux Buttes-Chaumont et quatre principaux ateliers de groupes d’armées, dont celui du Nord à Amiens (puis à Chantilly à partir de février 1917). En 1918, la section regroupe près de 3 000 personnes.

On distingue deux types de camouflage : s’appuyer sur la topographie du terrain pour créer des postes d’observation ou de tir invisibles (camouflage « passif ») ; dissimuler le matériel militaire et les voies de communication par la peinture ou par le biais d’écrans (filets de raphia tissé, toiles et haies), mais aussi produire des observatoires et des leurres, tels qu’arbres factices et faux cadavres, faux canons et mannequins de soldats… (camouflage « actif »).

En décembre 1915, les Britanniques créent à leur tour une section de camouflage, sous la direction technique du peintre Solomon Joseph Solomon (1860-1927) ; dénommée Special Works Park, elle est transférée en France le 17 mars 1916 et aménage ses ateliers dans une usine désaffectée de Wimereux ; y travaille entre autres le décorateur de théâtre L.D. Symington, mais aussi des Français temporairement détachés, tels les peintres André Mare (1885-1932) et Marcel Lejeune. D’autres ateliers voient le jour en 1917, à Aire et à Amiens. De leur côté, les Allemands utilisent dès 1916 les techniques de camouflage, mais ne créent une section qu’après la bataille de Cambrai, en 1917.

L'attaché militaire du Japon en France et le colonel Émile Cornellie, commandant la base navale belge de Calais. Calais, [1914-1918]. Prise de vue : Le Duc. Tirage au gélatinobrume d'argent. Archives départementales du Pas-de-Calais, 43 Fi 77.

Studio de photographe installé au bureau de bienfaisance, 13 rue des Teinturiers. Arras, 11 mars 1918. Prise de vue : Dufour. Archives départementales du Pas-de-Calais, 8 Fi 47.

Autoportrait du photographe achicourien Charles Lecointe (1884-1983), vers 1912. Archives départementales du Pas-de-Calais, 36 Fi 601.

Deux soldats du 4e génie fumant une pipe. Environs d'Arras et de Béthune, [mi-1915-fin 1916]. Tirage-contact d’après une plaque photographique positive, 13 x 18 cm. Archives départementales du Pas-de-Calais, 4 Fi 3031.

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Deux soldats, dont l’un du 4ième régiment du génie, fument ensemble une pipe. Bien que leur proximité s’explique par une raison matérielle (pour allumer l’une des pipes), elle montre surtout leur franche camaraderie.

Créé à Grenoble en 1875, le 4ième régiment du génie est à l’origine destiné à maintenir les communications dans les zones montagneuses. Dès la fin de 1914, il quitte les Alpes pour être mis à la disposition des corps d’armée.

Prise en Artois, dans les environs de Béthune ou d’Arras, cette photographie s’insère dans un ensemble de soixante-huit clichés, réalisés pour son usage par un soldat du 4ième, entre le milieu de 1915 et la fin de 1916. Comme les repas, le tabac fait partie de ces instants partagés de sociabilité et de solidarité. Il s’agit sans doute du scaferlati, souvent fumé à la pipe et distribué gratuitement pour remonter le moral des troupes. La pratique photographique elle-même est un moyen de rapprochement et d’échanges entre combattants : elle vise à témoigner de l’environnement du photographe, en particulier du groupe étroit dans lequel il vit.

Soldats allemands dans un abri. Près de Lens, [1914-1918]. Tirage photographique. Collection particulière (avec la courtoisie de la Communauté d’agglomération de Lens-Liévin).

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Dix-sept soldats allemands, au moins (sans compter le photographe), sont regroupés dans un abri, confortablement aménagé. Chacun vaque à ses occupations, cuisine, tabac, presse ou artisanat de tranchée…

En 1914, l’armée allemande apparaît quantitativement et qualitativement mieux préparée et disciplinée que les troupes françaises. Dès l’automne, après la fixation du front d’Ablain-Saint-Nazaire à Pont-à-Vendin, elle occupe la majeure partie du bassin minier, coupé en deux selon un axe nord-sud.

Ses abris, appelés Stollen, peuvent atteindre une profondeur de dix mètres. De manière générale, ses tranchées sont bien mieux équipées que celles des Français : installés sur un territoire non conquis, les Allemands ont en effet tout intérêt à se fixer durablement pour stabiliser leur position. Dans ses carnets de guerre, Louis Barthas témoigne du "confort" des tranchées prises aux soldats allemands. Celles-ci peuvent disposer de l’électricité, d’un poêle à bois et parfois même de planchers et de tapis.

Les hommes ont adopté la compagnie d’un chat. Ces animaux domestiques, oubliés par leurs maîtres, peuvent redevenir sauvages et méfiants, mais aussi se réfugier dans les tranchées à la recherche de rongeurs et de nourriture, voire de soins et de caresses, s’habituant à la mitraille et au bruit des obus, jusqu’à être de véritables mascottes.

Hommes blessés de la 51e division d’infanterie revenant des tranchées lors de la bataille de la Lys. Béthune, 10 avril 1918. Prise de vue : sous-lieutenant Armando Consolé. Photographie négative sur plaque de verre, 10 x 12,6 cm. Imperial War Museum, Q 355.

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Soutenu par deux de ses camarades, un soldat blessé, sans doute gazé, progresse avec difficulté le long de la route. La photographie est prise au lendemain du déclenchement de la bataille de la Lys, entre le 9 et le 29 avril 1918.

Facilement reconnaissables à leurs uniformes composés notamment d’un kilt, ces soldats écossais proviennent de la 51ième division d’infanterie (51st Highland Division). Composée de troupes hétéroclites, dont des conscrits inexpérimentés, celle-ci est envoyée en France entre octobre 1914 et février 1915. Ses premières batailles sont de cuisantes défaites, comme à Givenchy-lès-La-Bassée (du 18 au 22 décembre 1914) où à Festubert (du 15 au 27 mai 1915). Ils héritent alors du peu glorieux surnom de Harper’s Duds ("ratés de Harper"), d’après le nom de leur commandant, le général George Montague Harper (1865-1922). La réputation du régiment s’améliore toutefois au fil des combats, pour devenir finalement The Ladies From Hell ("Les demoiselles de l’enfer").

Le 9 avril 1918, à l’aube, après un bombardement intense, les troupes allemandes lancent l’offensive "Georgette", de Frelinghien au canal de La Bassée, écrasent les forces portugaises du général Manuel de Oliveira Gomes da Costa (1863-1929) et plusieurs divisions britanniques, puis traversent la Lys ; le lendemain, ils s’emparent d’Estaires avant de bombader Armentières. La résistance britannique, soutenue par les Français, ne s’organise qu’à partir du 13 ; le front se fixe le 19 avril, malgré plusieurs relances jusqu’au 29.

Le lieutenant général Pratap Singh (lisant le Daily Graphic) et le rajah du Ratlam. Château de Montreuil-sur-Mer, 17 juin 1916. Prise de vue : lieutenant Ernest Brooks. Photographie négative sur plaque de verre, 12 x 16,4 cm. Imperial War Museum, Q 692.

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Assis négligemment sur les marches du perron du château de Beaurepaire, à Beaumerie-Saint-Martin, deux officiers supérieurs indiens se reposent, l’un par la lecture du Daily Graphic (le premier quotidien illustré de Grande-Bretagne), le second en fumant une cigarette.

Fortement éprouvée par les combats de l’été 1914, la Force expéditionnaire britannique a fait appel dès la fin d’août aux unités militaires constituées de sa colonie des Indes. Quatre divisions, deux d’infanterie, Lahore et Meerut, et deux de cavalerie combattent pendant un an (d’octobre 1914 à novembre 1915) sur le front nord-ouest, principalement entre Neuve-Chapelle et Givenchy-lès-La-Bassée. Les divisions de cavalerie restent seules en France à partir de janvier 1916.

Quittant Saint-Omer en mars de la même année, le grand quartier général britannique s’installe alors à Montreuil-sur-Mer ; son commandant en chef, Douglas Haig (1861-1928), fixe sa résidence au château de Beaurepaire, à quelques kilomètres de là. Le 17 juin, le général Joffre l’y rejoint pour les derniers préparatifs de l’offensive de la Somme.

C’est à cette occasion qu’a été prise ce cliché. Le général Pertap Singh (1854-1922), à gauche, est maharadjah de l’État princier d’Idar (dans l'actuel Gujarat) et d’Ahmadnagar, régent de Jodhpur. Son voisin, qui semble perdu dans ses pensées, est le lieutenant-colonel Sajjan Singh (1880-1947), premier maharadjah du Ratlam.

Voi aussi l'exposition virtuelle Les soldats indiens sous le regard de Paul Sarrut

Des spahis tunisiens réparent le matériel de harnachement à l'atelier de sellerie. Wavrans-sur-Ternoise, février 1916. Prise de vue : Emmanuel-Louis Mas. Tirage photographique. Bibliothèque de documentation internationale contemporaine, VAL 314/123.

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Trois spahis sont photographiés en plein travail, dans un atelier de sellerie de leur cantonnement de Wavrans-sur-Ternoise.

La France a largement fait appel à ses colonies et ses protectorats, lors de la première guerre mondiale, non seulement par l’envoi de troupes, mais également de main-d’œuvre : ce sont plus de 818 000 hommes qui ont ainsi été mobilisés, dont 636 000 transportés sur le continent, pour combattre ou pour travailler dans les usines liées à la Défense nationale.

Sous protectorat français depuis le 12 mai 1881, la Tunisie envoie, pour ce qui la concerne, plusieurs unités de tirailleurs (infanterie) et de spahis (cavalerie), regroupées dans des "régiments de marche" provisoires, constitués pour les opérations militaires. Formé à Sfax en 1886, le 4ième régiment de spahis tunisiens débarque en France le 4 septembre 1914. Sous le commandement du colonel Couverchel, il est alors composé de 31 officiers, 666 hommes de troupe (Tunisiens, Algériens et Marocains) et 671 chevaux.
Fixé en Artois à partir de novembre 1914, il est régulièrement chargé du service des tranchées, à Bully-les-Mines, Souchez…
Après réunion avec le régiment de spahis marocains, le 17 janvier 1916, il est affecté comme cavalerie auprès du 33ième corps d’armée et est cantonné à Hernicourt et Wavrans-sur-Ternoise, pour assurer un service de surveillance générale.

Soldats et civils des colonies ont été profondément transformés par leur mobilisation pour l’effort de guerre (formation, contacts avec la France, "impôt du sang"). La première guerre mondiale a ainsi indiscutablement contribué à faire naître leur volonté d’émancipation.

Un homme fort parmi les travailleurs chinois à Boulogne : "on dit qu'il est capable de porter un sac d’avoine par-dessus son épaule avec seulement une seule main." Boulogne-sur-Mer, le 12 août 1917. Prise de vue : lieutenant Ernest Brooks. Photographie négative sur plaque de verre, 12 x 16,4 cm. Imperial War Museum, Q 2694.

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En 1916, face aux nombreuses pertes humaines et à la pénurie de main-d’œuvre, le Royaume-Uni décide de faire appel aux travailleurs chinois (la Chine déclarant la guerre à l’Allemagne le 14 août 1917). Le 21 février 1917, par suite d’un traité signé en octobre précédent, le Chinese Labour Corps, unité non armée, est officiellement constitué.

La traversée est longue, de l’océan Pacifique au Canada, puis en Angleterre, jusqu’à l’arrivée à Boulogne-sur-Mer. De là, les hommes rejoignent une vingtaine de camps, répartis entre autres dans le Boulonnais, l’Audomarois et sur la côte d’Opale. Le quartier général du Chinese Labour Corps est installé à Noyelles-sur-Mer (Somme). En 1918, on recense près de 96 000 travailleurs chinois sur les sols français et belge.

Leurs conditions de travail s’avèrent pénibles. Ils travaillent sept jours sur sept, dix heures par jour. Ils sont employés dans les usines, les blanchisseries et les cuisines. Ils assurent aussi le chargement et le déchargement des navires dans les ports, notamment à Boulogne-sur-Mer, réparent les routes et les voies ferrées, participent à la construction des aérodromes, mais aussi aux travaux agricoles et forestiers. À Érin, ils sont chargés de la réparation des tanks au sein du Tank Central Workshops. À la fin de la guerre, ils vont en outre contribuer au nettoyage des tranchées et à l’exhumation des corps, avant leur réinhumation dans les cimetières créés pour l’occasion.

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