Les archives en guerre (la Première Guerre mondiale)

Du bombardement du palais Saint-Vaast à la construction de l’actuel centre Georges-Besnier

Les destructions de 1915

Carte postale noir et blanc de l'abbaye Saint Vaast bombardée. On remarque que de nombreuses fenêtres ont explosé.

"La Grande Guerre 1914-15. Arras après le bombardement par les Allemands. L'Hôtel Saint Vaast (Ancien évêché)". Archives départementales du Pas-de-Calais, 39 FI 1184.

5 juillet 1915. La guerre fait rage dans le Pas-de-Calais. Des aéroplanes ennemis survolent Arras et plusieurs bombes incendiaires tombent sur l’abbaye Saint-Vaast, dont l’aile ouest est occupée par les archives départementales depuis plus d’un siècle. Un gigantesque incendie détruit une grande partie du palais et, par la même occasion, une part importante des fonds anciens des archives. C’est une catastrophe. Le département du Pas-de-Calais a été fortement marqué par la guerre ; il est aussi l’un de ceux où les archives ont été les plus touchées.

On déplore, entre autres, la perte du gros des notaires d’Arras, de l’essentiel des archives des juridictions d’Ancien Régime, de nombreuses tables décennales et du début des séries N (comptabilité départementale), S (travaux publics), T (enseignement) et X (bureaux de bienfaisance). Comble de malchance, l’archiviste en chef, Pierre Flament, est absent, car mobilisé au front. Il perd la vie le 30 août 1916 lors de la bataille de Verdun.

Devant l’urgence de la situation, son adjoint, Alexis Lavoine, organise le transfert des fonds sauvegardés vers d’autres zones moins exposées. Les archives du département sont alors éparpillées au sein de quatre principaux dépôts temporaires : les documents les plus précieux sont expédiés par chemin de fer aux archives nationales dès août 1915, les archives modernes au musée de Boulogne-sur-Mer, les registres paroissiaux et les archives hospitalières d’Arras à Montreuil-sur-Mer et la sous-série 2 O (concernant les bâtiments et biens communaux, et ainsi jugée primordiale pour l’évaluation des dommages de guerre) aux archives départementales de la Haute-Garonne à Toulouse. D’autres fonds restent en outre à Arras. Comme le note Alexandre Lavoine dans son rapport pour l’année 1917-1918, la vie des archives pendant la guerre n’est qu’un

chassé-croisé de déménagements
.

Arrivée de Georges Besnier

Au lendemain du conflit, Georges Besnier (1879-1961), archiviste départemental du Calvados depuis 1906, au front de 1915 à 1918, obtient sa mutation dans le Pas-de-Calais. Il succède à son camarade de promotion Pierre Flament. La tâche qui l’attend est immense : constater l’état des pertes, reconstruire un nouveau dépôt, rapatrier les collections disséminées aux quatre coins de la France et les reclasser, etc.

Plan d'architecte (crayon blanc sur papier bleu) situant la construction des nouvelles archives par rapport au bâtiment et au parc de la préfecture. Le jardin des huissiers, la place de la préfecture et l'immeuble des enfants assistés sont également représentés.

Plan général de la construction du bâtiment des archives départementales. Archives départementales du Pas-de-Calais, N 919.

Dès son arrivée, il se positionne clairement en faveur d’une réinstallation proche de la préfecture, mais il faut attendre 1923 pour que le préfet et le Conseil général statuent sur la construction d’un nouveau dépôt, faute de financement et d’un emplacement défini. Plusieurs solutions sont étudiées et, dans un premier temps, il est même envisagé de ne conserver à Arras que les documents les plus récents, encore utiles à l’administration. Mais Besnier campe sur ses positions. Le 12 septembre 1921, lors de l’unique réunion de la commission chargée de statuer sur la "reconstruction d’un dépôt moderne à l’abri de l’incendie", il défend avec force ses idées qui sont finalement toutes adoptées.

Le 21 octobre 1924, le Département acquiert un immeuble et un jardin au 14 place de la Préfecture (il est déjà propriétaire du 12, immeuble des enfants assistés, depuis 1922) ; les travaux peuvent débuter.

La construction du nouveau dépôt place de la Préfecture

L’architecte Paul Decaux est chargé de la construction du nouveau bâtiment des archives. Dès 1921, il en conçoit des plans, suivant les recommandations de Georges Besnier qui lui expose sa vision d’un dépôt d’archives "moderne", à l’image de ce qui a été fait à Anvers ou à Lille un peu plus tôt. Il préconise la construction de bureaux "réduits au minimum", d’une "salle des employés et du public", d’une autre "de versement et de triage" et d’une bibliothèque administrative. Les magasins surtout sont étudiés : on prévoit des "étages à hauteur d’hommes pour éviter les échelles", des matériaux tels que le ciment ou des charpentes métalliques à l’épreuve du feu. En tout, le nouveau bâtiment dispose d’une capacité de stockage de 14 000 mètres linéaires.

Photographie noir et blanc d'une vaste salle en travaux, dont le plafond est soutenu par des colonnes en béton.

Construction du centre Georges-Besnier. Archives départementales du Pas-de-Calais, N 919.

Le plan définitif est arrêté à l’hiver 1924 et les travaux semblent s’être déroulés très rapidement. Si on ne connaît pas la date de réception définitive du bâtiment, un article de L’Avenir d’Arras daté du 10 décembre 1924 précise qu’

il ne reste plus qu’à exécuter les ravalements et les décorations extérieurs
et annonce l’ouverture pour le printemps suivant.

Pourtant les premières critiques se font rapidement entendre. Le bâtiment, considéré comme vaste à son origine, est vite jugé trop petit. Les besoins d’archivage des services des Régions libérées ont été sous-estimés et la construction de l’abri de défense passive de la préfecture au sous-sol du dépôt ampute 1 000 mètres linéaires de capacité de stockage. Les premiers projets d’agrandissement sont envisagés dès 1939, mais déjà la Seconde Guerre mondiale éclate, anéantissant à jamais ces desseins.

Transcription d'une lettre d'Alexandre Lavoine à Georges Besnier

Document manuscrit transcrit ci-dessous.

Lettre d'Alexandre Lavoine à Georges Besnier. Archives départementales du Pas-de-Calais, T 308.

Le 31 octobre,

À Monsieur Georges Besnier
Archiviste départemental du Pas-de-Calais

J’ai bien reçu votre bienveillante lettre du 25
et ne veux pas tarder à y répondre.
Vous êtes le bienvenu en prenant le poste d’archi-
viste du Pas-de-Calais de nous arriver comme camarade
et ami du regretté M. Pierre Flament. Il nous aura
seulement été montré. Il avait, en peu de temps,
conquis non seulement le dévouement, mais encore
l’affection de son personnel. Certes, quand ce pauvre
M. Flament vint, le soir de la mobilisation, me confier
son argenterie et ses souvenirs précieux, je ne me doutais
pas que l’intérim qu’il me confiait serait d’aussi longue
durée et qu’il ne nous reviendrait plus.
J’ai fait de mon mieux pour ne pas laisser
péricliter les diverses branches du service – au cours
d’une torturante angoisse durant plus de quatre ans
sur le sort de mon petit caporal disparu dès le 30
août 1916 au combat de Guise. J’espère que les rap-
ports annuels que vous pourrez lire – si ce n’est déjà fait –
me rendront justice sur ce point.
Cependant j’aurai l’éternel regret d’avoir été
abandonné sous le feu, durant près d’un an, sans pou-
voir obtenir les moyens de mettre à l’arrière tant de
trésors historiques que j’ai vu brûler sous mes yeux,
n’ayant pu en sauver, sous un bombardement intense,
que le fonds historique d’Arras.
Je n’ai pas besoin de vous dire que vous pouvez
compter sur mon entier dévouement pour vous aider
dans la lourde tâche que vous avez à accomplir.
J’avoue que, peu encouragé par l’administration,
j’aurais volontiers, après tant d’épreuves, pris ma
retraite et demandé le poste municipal de Boulogne
qui va devenir vacant. Mais, ne voulant pas pas-
ser pour un déserteur dans la ville martyre qui a
droit au concours de tous ses enfants, il est de mon
devoir de vous aider dans la reconstitution. J’ajoute
que vous trouverez le même zèle dans un personnel consciencieux.
Nous n’avons pu regagner Arras faute de local pouvant
contenir les quelques 100 tonnes d’ici et les fonds évacués sur Paris
et sur Toulouse. Je ne parle pas du logement personnel in-
trouvable. Je vous souhaite de pouvoir, dans ces ruines, vous loger
le moins mal possible.
J’attendrai votre visite à Boulogne après le 16, jour des élections ?
La pauvre Madame Flament doit venir me voir très pro-
chainement. Elle est toujours errante depuis 5 ans ! Tantôt chez
des parents à Laval, tantôt à Aix puis à Paris. Nous avons
recueilli son mobilier, très menacé près de la gare en 1916 et
nous avons loué une maison pour l’abriter et sommes dans
ces meubles. Pour le moment, Mme Flament doit être rentrée
à Paris, chez ses parents 3, rue Albert de Lapparent.
En attendant l’honneur de vous voir, veuillez agréer, Monsieur
l’Archiviste, l’expression de mes sentiments les plus distingués
et entièrement dévoués.

A. Lavoine

Archives départementales du Pas-de-Calais, T 308.

Commentaires (3)

Archives départementales du Pas-de-Calais

Bonjour, Pour toute recherche particulière, vous pouvez nous envoyer un courriel à archives62@pasdecalais.fr afin que nous puissions vous orienter au sein de nos fonds.

Le 03 juin 2016 à 11h25

caroulle jocelyne

Bonjour
Je suis à la recherche pour ma généalogie de Léa Henriette Blangy enfant naturelle née 31 janvier 1910 à Moulle reconnue le 22 mars 1915, fille de Félicité Adélaide Armande Blangy née 5 septembre 1894 à Serques qui était ma grand mère maternelle.
Je ne connais pas la date de décés et éventuellement celle du mariage si il avait eu lieu.
Je remercie toutes personnes qui pourraient me renseigner

Le 04 janvier 2016 à 14h28

Idir Hocine

Recarche à l'archive de Paris le nom de idir hocine à ce que enregistré é merci

Le 26 août 2015 à 23h17