L'amant fou de jalousie

Œuvre de fiction produite dans le cadre de l'option Littérature et société

Publié le 1 août 2011

Photographie couleur d'une liasse de documents judiciaires. Sur la première, on note l'en-tête "Acte d'accusation".

Photographie colorisée d'une liasse de documents judiciaires. Sur la première, on note l'en-tête "Acte d'accusation".

Chapitre 1

Lors d'un après midi pluvieux à Harnes, dans le Pas-de-Calais, dans un petit bar pas très loin du commissariat, Léo Castelli et Nicolas Barrel, deux inspecteurs, discutent avec le patron du bar, Roland :
– Après une journée comme celle-ci, avec de la paperasse toute la journée, comment voulez-vous que je reste de bonne humeur ? J'aimerais pouvoir rigoler un peu plus! déclara Nicolas.
– Oh, Nicolas ! Tu n'as pas à te plaindre, toi : tu passes ton temps assis devant un bureau, tandis que moi, je sers toute la journée. Je travaille moi, Monsieur ! rétorqua Roland.
– Ah non, souffla Léo, vous n'allez pas encore vous disputer. Comprends-nous, Roland, on s'ennuie un peu en ce moment, on ne fait que de la paperasse, les heures sont longues. Cela devient lassant !
– Profites-en; moins il y a de morts, mieux c'est ! rétorqua Roland

Soudain, un imposant silence s'installa dans le bar. Un homme grand, assez âgé et habillé en noir rentra, fixant les deux inspecteurs d'un petit air malicieux.
– Bonsoir ! Permettez-moi de me présenter : lieutenant Maigret. Je viens remplacer le lieutenant Manigant, parti pour des raisons très personnelles. Arrivé au commissariat, par respect, je devais me présenter à mes futurs collaborateurs ; seulement, un de mes représentants m'indiqua votre absence et, quand je lui demandai où vous étiez, savez-vous ce qu'il m'a répondu ?
– Non... ?
– JE VAIS VOUS LE DIRE, MOI : MES FUTURS COLLABORATEURS SONT DANS LE BAR D’À COTÉ EN TRAIN DE PRENDRE L’APÉRO A 18 HEURES !
– 18 heures déjà ? Désolé lieutenant, mais le temps passe tellement vite…
– Vous n'avez pas vu le temps passer, ni le télégramme arriver je suppose ?
– Comment ça ? Un télégramme ?
– Eh oui ! Un télégramme est arrivé pour nous annoncer le meurtre d'une jeune femme dénommée Louise Devauchelle à Harnes. Il faut aller voir ce qu'il se passe... Par contre, aujourd’hui, on ira à pied !

Ils remontèrent donc les rues sans dire un mot. Pendant le trajet, Nicolas et Léo furent obligés d'écouter TOUTE la vie du lieutenant dont l'histoire était interminable ; il parla de ses problèmes de couple, puis il fit le récit de sa carrière au sein de la gendarmerie qui lui paraissait aussi passionnante que d'élever ses lapins. Enfin, comme il fallait s'en douter, il fit la morale aux deux compères :
– Je suis dans la police depuis vingt cinq ans et je n'ai jamais vu ça ; deux policiers dans un bar pendant leur service ! Mais que vont penser les gens ?!! s’emportait le lieutenant Maigret…

Enfin arrivés à l'endroit du drame, ils furent accueillis par des collègues policiers qui les attendaient pour leur présenter la scène du meurtre et leur donner les premiers éléments sur l’affaire. Nicolas aperçut la main de la défunte et se mit à rechercher le corps, en vain. C'était un carnage total ; une marmite était renversée et, à quelques mètres de là, une mare de sang s’étendait sur un quart de la pièce. Une dispute avait peut-être eu lieu ?
– Nicolas, mon brave ! Avez-vous trouvé le corps de la victime ? demanda le lieutenant.
– Les autres policiers recherchent aux alentours de la maison ; quant à moi, je vais boire beaucoup d'eau pour me remettre d'aplomb. Mais il y a une question que je me pose...
– Oui, Barrel ?
– Comment va t-elle faire le ménage sans sa main ?
– On se passera bien de vos commentaires, Monsieur Barrel !

Soudain, un gendarme fit irruption dans la pièce, essoufflé, et articula péniblement :
– Lieutenant Maigret, on a retrouvé le corps d'une femme chez sa voisine : âme sensible s'abstenir !

Ils suivirent alors le policier dans la maison voisine où la victime, Madame Devauchelle gisait, au beau milieu de la cuisine.
– Comment une personne peut-elle être capable de faire ça ? demanda Léo
– Tu sais, Léo, tout le monde n'a pas le même esprit sensible que toi…

Chapitre 2

Les deux policiers passèrent alors un certain temps à chercher des indices. Le lieutenant, pour sa part, décida d’aller interroger la personne ayant découvert le corps. Avant de quitter la pièce, il interpella ses subordonnés :
– Messieurs, faites votre travail : trouvez-moi l'assassin ! Quant à moi je vais m'entretenir avec la personne qui a découvert le corps.
– Bien, Monsieur, je vais la chercher, répondit un policier.

Madame Bocquet arriva dans le salon, l'air abattu. Quand elle entra, on pouvait entendre des policiers chanter dans la pièce voisine.

– Bonjour Madame Bocquet. Je voulais m'entretenir avec vous avant l'interrogatoire au commissariat.
– Eh bien, je suis là! Je suis la dernière à l'avoir vue vivante...
– Je sais Madame, mais pourriez-vous me laisser poser mes questions ? la coupa-t-il.
– Euh, oui… je vous écoute.
– Quelles étaient vos relations avec votre voisine ? Il n'y avait aucune tension entre vous ? Peut-être étiez-vous même de proches amies ? demanda le lieutenant, un peu gêné.
– Louise est une femme sympathique, qui avait beaucoup de courage. Nous prenions tous les matins un café ensemble, après nous être débarrassées de nos enfants à l'école. Je les lui gardais souvent pendant qu'elle était occupée chez elle.
– Occupée ? Occupée à quoi ?
– Quand elle était avec son amant… son mari n'en n’était pas au courant, chuchota t-elle.
– Aaaah ! Et qui est-il ?
– Ecoutez, Monsieur, je suis très éprouvée par ce qui vient de se passer et j’aimerai me reposer avant de répondre à vos questions.
– Bien sûr, Madame, je comprends. Je pars dès maintenant mais on se reverra très prochainement ! Vous avez encore beaucoup à m’apprendre apparemment. A bientôt donc, et bonne soirée.

Le lieutenant se rendit ensuite au commissariat où il prépara les interrogatoires en compagnie de Nicolas et Léo.

Le travail accompli, ils allèrent écouter les témoins. Les témoignages se suivirent et se répétaient globalement : tous, sauf le mari bien entendu, étaient au courant de la relation entre un certain Mesmaque Louis, âgé d’à peine de 18 ans et Louise Barrée-Devauchelle. Malgré la révélation des policiers au mari de la victime sur cette relation, ce dernier refusait toujours d’y croire, et ce malgré les preuves accablantes.

À l’arrivée du dernier témoin, Madame Bocquet, Nicolas et Léo l’interrogèrent avec plus d’insistance.
– Donc, Louise est venue chez vous, gravement blessée ; et après, que s’est-t-il passé ? demanda Léo.
– J’ai appliqué un baume sur ses plaies et après je lui ai demandé qui avait fait cela et elle m’a répondu… Louis Mesmaque.

Chapitre 3

– Nicolas, je viens de recevoir le rapport d’autopsie et ce n’est pas joli, d’après ce que je lis, crois-moi ! annonça Léo.
– Je sais : à voir l’état du corps quand on l’a découvert, on aurait dit qu’elle était déguisée pour Mardi Gras.
– Un peu de respect, Nicolas… Laisse-moi plutôt te raconter ce que le légiste a trouvé.
– Attends, je bois mon café parce que, si je n’arrive pas à le boire après ton récit, je l’aurais payé de ma poche pour rien.
– Nicolas !!! cria Léo.
– Bon, bon, je t’écoute, répondit Nicolas.
– La mort a été causée par une blessure au niveau de la carotide qui a entraîné une hémorragie. La victime a de multiples blessures plus ou moins profondes, un peu partout sur le cou, et elle était enceinte de quatre mois !
– Oh ! Et, à ton avis qui est le père, entre l’amant et le mari ?
– Je ne sais pas du tout ! En tout cas personne ne le savait apparemment…
– On devrait peut-être réinterroger le mari trompé : tu ne vas me dire qu’il n’avait rien remarqué alors qu’il vivait avec elle.
– Les femmes ne sont pas toutes les mêmes, mon cher Nicolas : il se peut très bien qu’il n’ait pas remarqué sa grossesse… ou alors il est myope… mais regarde-nous : quand nous avons découvert le corps, nous ne nous sommes aperçus de rien !
– C’est juste ; cependant, je vais quand même aller le voir, histoire de m’assurer qu’il ne nous ait pas menti.
– D’accord, répondit Léo en retournant s’asseoir à son bureau mais, d’abord, va voir Maigret pour lui dire ce que l’on a appris.
– Oh oui, ne t’inquiète pas, j’y vais de ce pas.

Nicolas, après une petite heure de pause bien méritée, alla enfin expliquer au lieutenant les découvertes de la journée, toujours avec cette pointe d’humour noir qui avait le don d’énerver Maigret.
– Que dites-vous, enceinte ?
– Oui, lieutenant, mais, ne vous inquiétez pas, elle n’a pas perdu les eaux, répliqua Nicolas.
– Arrêtez de vous moquer de tout, c’est agaçant et c’est aussi un manque flagrant de respect ! Allez maintenant, retournez travailler et demandez à Castelli de venir pour qu’il me parle du prélèvement de sang !
– Oui, mais je suis aussi concerné.
– Allez déjà le chercher, on verra après.

Quand Nicolas et Léo arrivèrent dans le bureau du lieutenant, il était tous les deux énervés.
– Que se passe-t-il ? demanda Maigret d’un air interrogateur.
– Une certaine personne dont je ne citerai pas le nom est allée chercher un café mais, en revenant, il a tout naturellement renversé la boisson entre mes jambes et, bien sûr, elle a répété à tout le monde que j’avais fait mes besoins sur moi.
– Dites-vous qu’il arrive les choses plus graves dans la vie, rétorqua sèchement le lieutenant. Je viens de recevoir les résultats du prélèvement de sang fait sur Madame Devauchelle et ils correspondent bien avec les taches de sang retrouvées sur les vêtements de Louis Mesmaque. Oh ! J’allais oublier, Madame Bocquet va venir témoigner : vous vous en chargerez seul Léo.
– Pourquoi ne puis-je pas y assister ? demanda Nicolas.
– Monsieur Barrel, avec toutes les âneries que vous dites à longueur de temps, je ne vais pas vous laisser interroger une femme qui vient de perdre une amie ! Maintenant, sortez !

Le lendemain, au commissariat, tout était calme, mis à part Nicolas qui, comme son habitude, racontait des plaisanteries toutes plus idiotes les unes que les autres.

Lorsque le témoin arriva, Léo l’emmena dans une salle assez sombre et l’écouta attentivement. Après une bonne heure d’interrogatoire, il s’empressa d’aller faire son compte rendu au lieutenant.
– Madame Bocquet m’a appris qu’après avoir reçu son salaire, Louis est allé vivre chez elle car lui et son fils étaient amis. Un soir, il est rentré furieux en criant qu’il allait tuer sa maîtresse et, plusieurs fois, elle l’a vu aiguiser son couteau.
– Bien, vous avez fait du bon travail ; allez maintenant interroger le père de Louis Mesmaque. Prenez Nicolas avec vous.
– Oui, lieutenant.

Léo alla donc chercher Nicolas qui, comme à son habitude, n’était pas à son bureau. Après une bonne demi-heure de recherche intensive, il le retrouva enfin dans le bar d’à côté.
– Que fais-tu là ? Ce n’est pas l’heure de ta pause ! Allez, viens nous avons du travail ! hurla Léo visiblement très en colère.
– J’arrive, j’arrive, grommela Nicolas.

Dans la voiture, l’ambiance était très électrique : personne n’osait parler de peur qu’une guerre éclate. Enfin arrivés chez Henri Mesmaque, les deux compères discutèrent longuement avec lui :
– Comment était votre fils avant qu’il ne rencontre Louise Barré-Duvauchelle ?
– C’était le meilleur fils du monde, serviable, attachant… mais, ensuite, il a commencé à garder l’argent qu’il gagnait en travaillant. Nous avons même appris que cette femme avait conseillé à Louis de nous maltraiter pour profiter de notre argent… L’autre jour, il est allé jusqu’à gifler sa mère, et il est parti. Cependant, il venait quand même toujours voir sa mère lorsqu’elle était souffrante. Je ne comprends pas comment il a pu faire cela, lui qui n’aurait jamais tué une mouche.
– Nous sommes vraiment désolés… je vous remercie. Nous allons vous laisser maintenant. Bon courage pour la suite.
– Merci.

Les deux inspecteurs quittèrent donc la maison, en ayant appris ces éléments décisifs.

Épilogue

Le procès de Louis Mesmaque eut lieu quelque temps après son arrestation ; il fut condamné à cinq ans de prison.
Son mobile était, apparemment, sa jalousie maladive et le fait que Madame Duvauchelle menaçait de le quitter.
Le lieutenant félicita vivement ses enquêteurs pour cette affaire rondement menée !